"Il y a dix ans quand je parlais à des collègues du respect de la biodiversité, ils ricanaient. Maintenant on m'écoute et quand une visite d'étude ou de presse est organisée, c'est moi qu'on vient voir", sourit Marcel Jeanson, associé d'une exploitation de 400 hectares de légumes qui a replanté 13 km de haies à Marcelcave (Somme).
La Picardie - pourtant zone de grande culture - fait partie des régions en pointe dans ce retour aux sources, éclairé par les recherches scientifiques démontrant les avantages à long terme pour la production du respect de la diversité de la nature.
Dans le cadre du dispositif "Gestions de territoire", lancé en 2002, un millier d'agriculteurs picards sont conseillés en faveur de la biodiversité par les chambres d'agriculture, avec souvent à la clef des contrats quinquennaux incluant des dédommagements co-financés par Etat, région, agences de l'eau et l'Union européenne.
Auprès de ses pairs, M. Jeanson se fait le propagandiste des haies : brise-vent favorable à l'irrigation et accueil des insectes dits "auxiliaires" (carabes, syrphes) ayant le double avantage d'éliminer des ravageurs de cultures (pucerons, cochenilles, limaces) et de pollinisation.
Son collègue Jean-François Dessaint de Bayonvillers (Somme), outre de nombreuses haies, a implanté des bosquets et autres jachères sur son exploitation betteravière et patatière de 90 hectares.
"Etant chasseur, cela me fait plaisir de voir revenir le gibier et notamment les perdrix mais cela apporte aussi un plus pour l'embellissement des lieux" dans cette zone de tourisme de mémoire, riche en champs de bataille, explique-t-il.
A Verpillères (Somme), Bruno Haguet, qui depuis 15 ans cultivait des betteraves à perte de vue, explique ses motivations quand il a planté en 2008 un futur bois d'essences rares sur 11 hectares.
"Les analyses montrent que les terres perdaient de la matière organique, au fur et à mesure des cultures. Ces arbres devraient permettre d'en réinjecter de façon à ce que le sol retrouve un fonctionnement normal". Il n'est pas non plus indifférent à l'augmentation prévisible de valeur de sa propriété.
Selon François-Xavier Valengin, partenaire forestier de l'opération, les études sont toujours en cours pour déterminer les essences, lieux et écartements de plantation des arbres optimaux. Les conséquences sur les cultures semblent positives les vingt premières années et leur déclin peut ensuite être compensé par l'exploitation du bois.
Dans la moyenne vallée de l'Oise, régulièrement inondée entre les départements de l'Aisne et de l'Oise, un tiers des agriculteurs concernés ont accepté des contraintes d'exploitation de façon à favoriser le papillon "cuivré des marais" et surtout le râle des genets, oiseau menacé au niveau mondial.
"Nous fauchons le foin tardivement avec des techniques permettant d'épargner la faune", indique l'éleveur Guy Leblond, précisant que les compensations varient entre 160 et 370 euros à l'hectare.
"Les pionniers de l'agriculture durable montrent qu'on peut concilier production et biodiversité. Mais se pose la question de la pérennité des financements compensatoires à un moment où le revenu agricole baisse", souligne de son côté Joseph Ménard, responsable eau-biodiversité à la Chambre nationale d'agriculture.
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