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« La PAC et le Farm Bill, deux politiques agricoles en sursis ? » s’interroge Momagri

Par Jean Moullart | Publié le 13 Mars 2013 à 14:50
« La PAC et le Farm Bill, deux politiques agricoles en sursis ? » s’interroge Momagri

A y regarder de plus près, de part et d’autre de l’Atlantique, le Farm Bill et la PAC font l’objet d’importants marchandages, surtout budgétaires… « L’Agriculture n’est plus la priorité » déplorait la sénatrice Debbie Stabenow courant janvier 2013 alors que le Farm Bill, a finalement été prolongé dans sa forme actuelle, jusqu’à son expiration le 30 septembre 2013. Devant ce constat, Jim Harkness, Président de l’IATP (1), dans une récente publication (2), s’interroge, et si c’était « la fin du Farm Bill ? ». Momagri, think-tank, pousse plus loin l’interrogation: "et si c’était la fin de la PAC ?"

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Pour le think-tank Momagri, les Républicains et les Démocrates ont évité fin décembre 2012 le « fiscal cliff » (falaise budgétaire ou cure d’austérité), en s'accordant sur la reconduction de différents allégements fiscaux, l'alourdissement de la fiscalité des ménages les plus aisés, et en repoussant de deux mois les questions sur le plafond de la dette et les réductions budgétaires. L'accord a donc tout simplement retardé de deux mois le précipice, qu'on appelle désormais « the wall of debt » (« le mur de la dette»).

 

Reculer pour mieux sauter, une expression qui paraît également se prêter au Farm Bill, qui bien que prolongé pour une campagne supplémentaire va connaître des coupes sombres, aujourd’hui estimées à 35 milliards USD. Une mesure paraît, cependant, faire consensus au Sénat comme à la Chambre des représentants : la volonté de supprimer les paiements découplés (DP pour direct payments), pour se fonder principalement sur des dispositifs couplés, garantis et contracycliques ainsi qu’un renforcement des paiements d’assurance-récolte (qui devraient atteindre selon certains analystes au moins 9 milliards USD par an).

 

Au final, comme l’explique Jim Harkness, « la structure [du Farm Bill] demeure, mais elle est saignée par [d’importantes] coupes budgétaires » et ne pourra plus agir en véhicule de réforme. En Europe, Que penser des coupes budgétaires annoncées par le Sommet sur le CFP des 7 et 8 février ? N’assistons-nous pas à une même vision au rabais d’une politique agricole pourtant stratégique pour ces deux titans agricoles ? Le budget de la PAC pour 2014-2020, budget marqué du sceau de l’austérité, devrait ainsi perdre 12% de sa précédente enveloppe.

 

Les raisonnements économiques et financiers qui pouvaient prévaloir dans les années ’90 sont aujourd’hui dépassés. La situation dans laquelle se trouvent les marchés agricoles est radicalement différente car ils sont de plus en plus globalisés. Nous assistons depuis plusieurs années à une financiarisation croissante des marchés et à une volatilité accrue des prix, appelée à perdurer. Face à cette instabilité systémique, l’UE et les Etats-Unis sont de plus en plus fragilisés par des mesures qui s’avèrent obsolètes et inopérantes pour assurer l’avenir de leurs agriculteurs, et ce malgré l’efficacité des outils de protection des revenus agricoles assurés par le Farm Bill.

 

Ainsi « L’actuel Farm Bill ignore les plus importants et les plus urgents défis en agriculture : une volatilité sauvage du marché qui menace la stabilité financière des farmers, les aléas climatiques incarnés par les sécheresses et les inondations », comme le constate à regret Jim Harkness. Un constat qui peut également s’appliquer à la PAC. Avec une différence de taille : quelles que soient les dispositions prévues dans les Farm Bill qui se sont succédés depuis 20 ans, les Etats-Unis ont toujours pris des dispositions d’urgence permettant à leurs agriculteurs de préserver un revenu suffisant pour ne pas casser l’outil de production.

 

Nous n’assistons pas à la fin de l’Histoire, comme l’avait conceptualisé Francis Fukuyama, mais à la fin d’un cycle. Et l’Agriculture américaine et européenne doivent se doter d’un nouveau modèle reposant sur la coopération mondiale et la régulation des marchés, pour s’adapter aux nouvelles réalités. Il est ainsi urgent de construire une nouvelle gouvernance « pour un système alimentaire juste, durable et sain » comme le rappelle Jim Harkness, mais surtout bâtir une gouvernance mondiale, pour dynamiser les stratégies agricoles non seulement américaines et européennes mais également toutes celles qui assureront demain la sécurité alimentaire de 9 milliards d’individus.

 

 

 

 

1 Institute for Agriculture and Trade Policy

2 Nous vous invitons à lire son article en suivant ce lien http://www.iatp.org/documents/the-end-of-the-farm-bill




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