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Les abeilles sont désorientées par une faible dose d'insecticide (matière active: thiaméthoxam)

Par Jean Moullart | Publié le 30 Mars 2012 à 13:52
Les abeilles sont désorientées par une faible dose d'insecticide (matière active: thiaméthoxam)

Pour la première fois, une équipe de recherche française multipartenariale a mis en évidence le rôle d’un insecticide dans le déclin des abeilles, non pas par toxicité directe mais en perturbant leur orientation et leur capacité à retrouver la ruche. Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont collé des micropuces RFID sur plus de 650 abeilles. Ils ont ainsi pu constater l’importance du non-retour à leur ruche des butineuses préalablement nourries en laboratoire, avec des doses très faibles d’un insecticide de la famille des « néonicotinoïdes », le thiaméthoxam, utilisé par la firme Syngenta pour la protection des cultures contre certains ravageurs, notamment par enrobage des semences (Cruiser OSR sur colza, Cruiser sur maïs). Une simulation basée sur ces résultats laisse penser que l’impact de l’insecticide sur les colonies pourrait être significatif. Ces résultats ont été publiés dans la revue Science le 29 mars 2012.

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Les questions sans réponse aujourd’hui sur le déclin des populations de pollinisateurs, qui touche les abeilles domestiques comme leurs homologues sauvages (bourdons, osmies, etc.), ont conduit tous les acteurs concernés à unir leurs forces. Ainsi, chercheurs (INRA, CNRS), et ingénieurs des filières agricoles et apicoles (ACTA, ITSAP-Institut de l’abeille, ADAPI) ont, dans le cadre d’un partenariat pluridisciplinaire sur l’évaluation du déclin des abeilles, étudié le rapport entre l’ingestion d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes et la mortalité des butineuses.

 

Leurs travaux montrent que l’exposition à une dose faible et bien inférieure à la dose létale de cette molécule entraîne une disparition des abeilles deux à trois fois supérieure à la normale.

Pour réaliser leur étude, les scientifiques ont utilisé une méthodologie innovante : des micropuces RFID ont été collées sur le thorax de plus de 650 abeilles, ce qui a permis de contrôler individuellement leur entrée ou leur sortie de la ruche grâce à une série de capteurs électroniques.

La moitié des individus a été nourrie avec une solution sucrée contenant une dose très faible d’insecticide, comparable à celle que les abeilles peuvent rencontrer dans leur activité quotidienne de butinage de nectar sur une culture traitée.

L’autre moitié, le groupe témoin, a reçu une solution sucrée sans insecticide. L’ensemble des 650 butineuses a ensuite été relâché à 1 kilomètre de leur ruche, une distance habituelle de butinage chez les abeilles domestiques. En comparant les proportions de retours à la ruche des deux groupes d’abeilles, les chercheurs ont évalué le taux de disparition imputable à l’ingestion du produit testé.

 

L’équipe a mis en évidence un taux significatif de non-retour à la ruche des abeilles, par un phénomène de désorientation dû à l'intoxication à faible dose. Lorsqu'elle est combinée à la mortalité naturelle, cette disparition liée à l'insecticide aboutit à une mortalité journalière de 25% à 50% chez les butineuses intoxiquées, soit jusqu'à trois fois le taux normal (environ 15% des butineuses par jour).

 

Afin d'évaluer l'impact de l’augmentation du taux de mortalité en période de floraison, ces valeurs ont été introduites dans un modèle mathématique simulant la démographie des colonies d'abeilles. Les résultats montrent que si la majorité des butineuses étaient contaminées chaque jour, l'effectif de la colonie pourrait chuter de moitié pendant le temps de la floraison – et jusqu'à 75 % dans les scenarii les plus pessimistes. Ce déclin démographique serait critique, à une période où la population de la colonie devrait atteindre un maximum, un préalable nécessaire au stockage de réserves alimentaires et à la production de miel.

 

Cette désorientation a donc le potentiel de déstabiliser le développement normal de la colonie, ce qui peut en outre la rendre vulnérable aux autres facteurs de stress que sont les pathogènes (varroa, Nosema, virus) ou les variations de la disponibilité des ressources florales naturelles. Cette étude indique ainsi qu'une exposition des abeilles butineuses à un insecticide néonicotinoïde pourrait affecter à terme la survie de la colonie, même à des doses bien inférieures à celles qui conduisent à la mort des individus.

À court terme, les partenaires de l’unité mixte technologique PrADE (Protection des Abeilles Dans l’Environnement) en lien avec les instituts techniques agricoles concernés ARVALIS-Institut du végétal et CETIOM (deux instituts techniques spécialistes des grandes cultures et notamment maïs et colza), mèneront des expérimentations en grandeur réelle, dans les conditions des pratiques culturales y compris pour la phase d’administration de l’insecticide, en utilisant cette même technologie RFID de suivi individuel des abeilles.

 

Cette étude a été réalisée par une équipe rassemblant des chercheurs, ingénieurs et techniciens de l’INRA et du CNRS (organismes publics de recherche), de l’ACTA, le réseau des instituts des filières  animales et végétales (instituts techniques agricoles) et de l’ADAPI (Association pour le développement de l’apiculture provençale), déclinaison régionale de l’ITSAP – Institut de l’abeille. Cette étude se base sur une approche pluridisciplinaire rassemblant des spécialistes de l’apidologie, de la biologie du comportement, de l’écotoxicologie et de l’agro-écologie.

Cette étude a été conduite par l’Unité mixte technologique (UMT) PrADE (Protection de l’Abeille Dans l’Environnement) basée en Avignon et menée sur le dispositif expérimental ECOBEE qui utilise la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre (Région Poitou-Charentes), territoire administré par le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CNRS) et dédié à des programmes de recherche sur la biodiversité et les agrosystèmes, et l’unité expérimentale INRA d’entomologie du Centre Poitou-Charentes pour le suivi expérimental des colonies d’abeilles sur cette zone.

Ce programme de recherche est financé par les fonds européens FEAGA dans le cadre du règlement européen en faveur de l’apiculture.




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